“ CERTAINS ermites portaient des entraves de fer, des chaînes, des ceintures barbelées et des colliers cloutés [...]. D’autres se roulaient dans les épines et les orties, s’exposaient volontairement aux piqûres d’insectes, se brûlaient et irritaient leurs blessures pour en entretenir la purulence. La pratique du jeûne allant de soi, certains poussaient le zèle jusqu’à manger uniquement de la nourriture pourrie ou répugnante. ” — The Saints [Les Saints], par Edith Simon.
Ces gens étaient des ascètes. Pourquoi s’infligeaient-ils des traitements aussi durs ? Les auteurs du livre Pour l’amour du monde — L’esprit des monachismes bouddhiste et chrétien (angl.) expliquent que “ depuis l’époque de Socrate (Ve siècle av. n. è.) au moins, on estimait généralement qu’une vie dépouillée de tout superflu, débarrassée des plaisirs sensuels et matériels, était une condition préalable à la vraie sagesse ”. Les ascètes pensaient que les mortifications corporelles aviveraient leur sensibilité spirituelle et les mèneraient à l’illumination véritable.
Il n’est pas facile de donner une définition précise de l’ascétisme. Pour certains, il s’agit uniquement d’autodiscipline et de renoncement. Les premiers chrétiens tenaient ces vertus en haute estime (Galates 5:22, 23 ; Colossiens 3:5). Jésus Christ lui-même recommanda à ses disciples de mener une vie simple, exempte des inquiétudes qui peuvent résulter d’un mode de vie matérialiste (Matthieu 6:19-33). Cependant, on associe généralement l’ascétisme à des mesures beaucoup plus austères, voire extrêmes, telles que celles décrites plus haut. Ces pratiques ascétiques, spécialement dans leurs formes les plus extrêmes, sont-elles vraiment la clé de la sagesse ?
Prenons l’exemple de Catherine de Fiesque, fille de famille italienne, intelligente et d’une grande piété. Déçue par un mariage malheureux, cette jeune femme chercha d’abord du réconfort dans les plaisirs et les agréments que sa position sociale pouvait lui procurer.
Tout changea lorsqu’elle eut 26 ans, au moment où elle ressentit ce que l’on appela sa “conversion”. Dès lors, “elle s’infligea de grandes pénitences de façon à mortifier tous ses sens. (...) Dès qu’elle se rendait compte qu’elle avait envie de quelque chose, elle s’en privait aussitôt. (...) Elle portait une haire, ne mangeait ni viande ni rien de ce qu’elle aimait; elle ne prenait jamais de fruits, ni frais ni secs (...) et elle vivait dans la plus grande soumission envers tous, s’efforçant continuellement de faire tout le contraire de ce que sa nature réclamait”.
Cette citation est extraite de la biographie de celle qui fut appelée par la suite “sainte Catherine de Gênes”. Quand on lui demanda pour quelle raison elle s’imposait de telles mortifications, elle répondit: “Je ne sais pas, mais je me sens intérieurement poussée à le faire (...) et je pense que c’est la volonté de Dieu.” Elle croyait que ces mortifications constituaient un moyen de purification qui lui vaudrait la faveur de Dieu et le bonheur véritable.
La même attitude se retrouve chez un Espagnol connu sous le nom de “saint Jean de
Mais les extrêmes dans lesquels tombe cette ascèse masochiste sont-ils la voie vers le bonheur véritable et durable?
“S’il est vrai que, dans la communion avec Christ, vous êtes morts pour les puissances spirituelles qui régissent ce monde, et que vous êtes libérés de ses notions religieuses rudimentaires, pourquoi continuez-vous à agir comme si votre vie appartenait encore à ce monde? Pourquoi acceptez-vous de vous laisser imposer règlements et défenses: ‘Ne prends pas ceci, ne mange pas de cela, ne touche pas ici, ne fais pas usage de cela!...’ Toutes ces choses matérielles ne sont-elles pas destinées à être consommées et à périr par leur usage même? Voilà bien les commandements et les enseignements des hommes! Les prescriptions de ce genre ont, il est vrai, bonne réputation et paraissent renfermer une grande sagesse. Elles semblent dénoter de la part de ceux qui s’y soumettent beaucoup de dévotion spontanée, d’humilité et de mépris de ce corps qu’on ne craint pas de mortifier sévèrement. En réalité, aucune de ces règles n’a la moindre valeur devant Dieu. Elles n’aboutissent qu’à nourrir l’orgueil des gens qui veulent se mettre en valeur.” — Col. 2:20-23, “Kuen”.
Ce ‘mépris du corps que l’on ne craint pas de mortifier sévèrement’ n’est qu’une comédie qui ‘paraît renfermer une grande sagesse’. Non seulement Dieu n’y trouve aucun plaisir, mais ces règles ne contribuent nullement à procurer le bonheur.
Des prémisses erronées
L’un des fondements de l’ascétisme est l’idée selon laquelle les choses matérielles et les plaisirs physiques sont intrinsèquement mauvais et font obstacle aux progrès spirituels. La croyance très répandue selon laquelle les humains sont constitués d’un corps et d’une âme en est un autre. Pour les ascètes, le corps est la prison de l’âme ; la chair, son ennemie.
Que dit
En outre,
Il apparaît que l’ascétisme repose sur une vision déformée des relations entre l’homme et Dieu. L’apôtre Paul annonça que certains prétendus chrétiens préféreraient des philosophies humaines trompeuses aux vérités bibliques fondamentales (1 Timothée 4:1-5). Un historien des religions a écrit : “ La croyance selon laquelle la matière est mauvaise [...] et l’âme humaine doit être libérée de toute attache avec la matière donna naissance à un ascétisme sévère qui interdisait la consommation de viande, les relations sexuelles, etc., et ne pouvait être suivi que par une élite de ‘ parfaits ’ ou perfecti ayant reçu une initiation spéciale. ” Cette façon de voir les choses n’a aucun fondement biblique et ne correspond pas aux croyances des premiers chrétiens. — Proverbes 5:15-19 ; 1 Corinthiens 7:4, 5 ; Hébreux 13:4.
Vanité de l’ascétisme
Jésus et ses disciples n’étaient pas des ascètes. Ils endurèrent diverses épreuves et tribulations, mais ne se les infligèrent jamais eux-mêmes. L’apôtre Paul mit en garde les chrétiens contre la séduction exercée par des philosophies humaines trompeuses pouvant les éloigner de la vérité de
Il est vrai que l’obéissance chrétienne demande de vigoureux efforts et de l’autodiscipline (Luc 13:24 ; 1 Corinthiens 9:27). Il faut se donner de la peine pour acquérir la connaissance de Dieu (Proverbes 2:1-6).
La vraie sagesse est raisonnable ; elle ne porte pas aux extrêmes (Jacques 3:17). Lorsque Jéhovah Dieu a créé notre corps physique, il l’a doté de la capacité d’apprécier de nombreux plaisirs de la vie. Il veut que nous soyons heureux. On lit dans sa Parole : “ J’ai appris qu’il n’y a rien de mieux pour eux que de se réjouir et de faire le bien durant sa vie ; et aussi que tout homme mange, oui qu’il boive et qu’il voie le bien pour tout son dur travail. C’est le don de Dieu. ” — Ecclésiaste 3:12, 13.